Cette célèbre section du plafond recèle également des secrets. Il s’agit d’un diptyque, un tableau composé de deux parties égales. Sur La gauche, on peut voir Adam et Ève sur le point de manger le fruit défendu.
Le serpent est au milieu, lové autour de l’arbre, incitant Adam et Ève à céder à la tentation. Sur la droite, nous voyons Adam et Ève chassés du jardin d’Éden, honteux et montrant déjà des signes de vieillissement, car un élément de leur punition fut la perte de leur immortalité et de leur jeunesse éternelle. À première vue, cette scène illustre typiquement le récit de ce que l’Église appelle le « péché originel » ou la « Chute ». En examinant la scène plus attentivement, on découvre toutefois nombre d’éléments subversifs.
Tout d’abord, le fruit défendu lui-même. Comme nous l’avons souligné plus haut, selon la plupart des traditions, il s’agissait d’une pomme. En réalité, en latin médiéval, malum, « pomme », implique aussi la notion du mal sous les formes male ou mala, le mal, comme dans les mots « maléfice ou « malveillant ». En italien moderne, les voyelles ont été inversées, ce qui donne mela pour « pomme ». Si vous observez n’importe quelle autre peinture de l’art occidental illustrant le fruit défendu, vous y découvrirez presque toujours une pomme.
Il
n’y avait qu’une seule exception à cette croyance si largement répandue :
la tradition juive. Le Talmud (dans le traité Berakhot 40a) propose une thèse radicalement différente en estimant
que l’arbre de
Seul
un familier du Talmud aurait pu connaître cette interprétation. Pourtant,
l’arbre de
Michel-Ange a également choisi une image unique pour montrer l’innocence d’Adam et Ève avant qu’ils mangent le fruit. Quand on regarde la position d’Adam qui tend la main pour cueillir une figue, il est difficile de ne pas remarquer que son organe sexuel est positionné à la hauteur du visage d’Ève. Il suffirait à celle-ci de tourner légèrement la tête, et nous aurions un plafond classé X! L’Église n’ignorait pas ce détail et interdit donc toute reproduction de ce panneau jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Autre modification choquante par rapport à l’imagerie traditionnelle. Adam cueille lui-même le fruit défendu, au lieu du stéréotype de la femme tentatrice et pécheresse tendant la pomme mortelle.
L’artiste a voulu montrer qu’Adam a autant de
responsabilité qu’Ève dans le péché. Pourquoi? L’Éternel leur dit qu’ils
peuvent manger librement tous les fruits du jardin d’Éden à l’exception de ceux
de l’arbre de la connaissance du bien et du mal (Genèse 2 : 16-27).
Toutefois, quelques versets plus loin, au début de
3 :1 Le serpent était le plus rusé de tous les animaux des champs, que l’Éternel Dieu avait faits. Il dit à la femme : Dieu a-t-il réellement dit : Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin?
3 :2 La femme répondit au serpent : Nous mangeons du fruit des arbres du jardin;
3 :3 mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez pont, de peur que vous ne mouriez.
Ce
n’était pas là l’ordre de Dieu, qui avait spécifié « l’arbre de
Michel-Ange a
également suivi la tradition juive à propos d’un autre détail. Seul le Midrash
décrit le serpent pourvu de bras et de jambes. Dans l’imagerie traditionnelle
du Jardin, le serpent est habituellement représenté comme un énorme reptile,
semblable à ceux que nous connaissons aujourd’hui. Parfois, le serpent est doté
d’une tête humaine, mais rien de plus. Ici, sur le plafond de
Benjamin Blech et Roy Doliner, Les
secrets de la chapelle Sixtine, Michel Lafon, 2008, pp. 216-220)